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Port-au-Prince, 24 août 2020 --- Une cinquantaine de travailleuses du sexe (TS) et hommes ayant des relations avec d’autres hommes (HARSAH) ont participé, du 27 au 29 juillet 2020, à Saint Marc (Artibonite) et à Montrouis (Ouest) respectivement, à des séances de sensibilisation sur la meilleure façon de se protéger contre le VIH/SIDA et la Covid-19.  

Ces séances ont été organisées par la Fondation pour la Santé Reproductive et l’Éducation Familiale (FOSREF) avec le support de l’UNFPA, le Fonds des Nations Unies pour la Population, le PNUD et ONUSIDA.

Les HARSAH et les TS sont les deux groupes les plus à risque par rapport à l’infection au VIH. Sur 100 travailleuses du sexe en activité en Haïti, environ 8 à 9 sont infectées au VIH (8,9% plus précisément) tandis que la prévalence est de 12,8% (EMMUS VI) chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes.

Selon la FOSREF, il y aurait environ 150,000 travailleuses du sexe, formelles et informelles, de nationalités haïtienne et dominicaine, réparties dans le pays. Près de 80% d’entre elles ont entre 16 et 22 ans.

Dans la fourchette de 21 à 35 ans, ces travailleuses du sexe sont toutes mères et élèvent seules leurs enfants. Leur séparation avec leur compagnon s’explique assez souvent par des motifs de violence. Leur premier enfant a été la plupart du temps le fruit d’une grossesse non-désirée. Les problèmes d’ordre économique les ont amenées au travail du sexe, souvent orientées par une amie qui en avait fait l’expérience auparavant. « Mes enfants ne sont pas au courant de l’activité que je mène pour les élever, je fais tous les sacrifices possibles pour qu’ils aient une vie différente du mien », confie Joséphine, 34 ans, et dont le fils aîné est en passe de boucler un premier cycle universitaire.

La crise de la Covid-19 a entrainé une baisse de fréquentation des maisons closes (bordels ou maisons de passe) et donc une plus grande précarisation des travailleuses du sexe. Celles-ci peuvent alors être plus enclines à céder à certaines propositions - les mettant à risque - qu’elles n’auraient pas acceptées de leurs clients en temps normal. Autrement dit, le taux de VIH risque d’augmenter parmi ces groupes déjà vulnérables en cette période de Covid-19, relève Délice Junior Israël, formateur à FOSREF.

Ces séances sont organisées afin de les sensibiliser et les orienter par rapport au respect scrupuleux des précautions d’usage pour éviter d’attraper le VIH et des gestes barrières pour se prémunir face au Coronavirus, explique-t-il.

Des informations ont été fournies aux participants-es (TS et HARSAH) sur la prophylaxie pré-exposition (PrEP), un des nombreux moyens de prévention contre le VIH utilisé par les personnes séronégatives qui ont un risque élevé de contracter le virus. Elle s'adresse notamment aux personnes ayant des partenaires sexuels multiples, aux personnes qui s'injectent de la drogue ainsi qu'aux couples sérodifférents actifs sexuellement dont le partenaire séropositif a une charge virale non détectée.

Parallèlement, en plus des préservatifs, la FOSREF a, avec le support de l’UNFPA, du PNUD et d’ONUSIDA, remis aux femmes des kits alimentaires et des kits d’hygiène, contenant entre autres des masques pour se protéger contre la COVID 19. « Ces femmes sont délaissées, elles ont faim, elles sont à court de moyens, elles étaient très contentes de recevoir ces kits », indique Délice Junior Israël. « Cela nous soulage un peu et nous permet d’être mieux protégées contre la Covid-19 », confirme Rosmine, une des bénéficiaires des kits.

Les travailleuses du sexe sont conscientes du danger qui les guette avec la Covid-19 et rivalisent d’imagination pour se protéger.

« Dans la chambre, nous avons de l’eau chlorée et du savon pour que les clients se lavent les mains, et nous les obligeons à faire comme nous en portant un masque et en acceptant des positions nouvelles que nous leur suggérons de sorte à nous protéger », fait savoir Jasmine, 22 ans et mère d’une fille de 6 ans, qui évolue comme travailleuse du sexe depuis bientôt 3 ans.

Le responsable du bordel où travaille Jasmine confirme le respect de ces mesures barrières. Josaphat explique en outre qu’il oblige les clients à laisser une pièce d’identité avant d’aller passer « un moment » avec les TS pour prévenir toute violence à leur encontre. « Le moment » est de 250 gourdes, soit environ 2 dollars américains. La TS est astreinte à verser 500 gourdes tous les dimanches au chef du bordel. Ce versement peut aller jusqu’à 1000 gourdes par soirée en période d’intense activité.

Avant Saint Marc et Montrouis, FOSREF avait organisé des séances d’information et de sensibilisation sur le VIH et la Covid-19 à l’intention des TS et HARSAH à Pétion-Ville, Carrefour et Tabarre. Avec l’appui de l’UNFPA, du PNUD et d’ONUSIDA, FOSREF compte poursuivre ces activités dans plusieurs autres communes du pays et arriver à sensibiliser plus de 200 travailleuses de sexe et plus d’une centaine de personnes faisant partie de la communauté LGBTI (lesbienne, gay, bissexuel, transexuel, transgenre ou intersexe) à la prévention du VIH et de la COVID 19.

Par-delà les séances ponctuelles d’information et de sensibilisation, FOSREF, toujours avec l’appui de l’UNFPA, du PNUD et d’ONUSIDA, effectue des tests de dépistage du VIH pour ces travailleuses du sexe tous les 3 mois et met à leur disposition gratuitement d’autres services tels que test de grossesse, accompagnement psychologique et formation de pairs-éducatrices parmi les femmes des maisons closes.

 

NB : A part le formateur de FOSREF, les prénoms utilisés dans cet article sont des prénoms d’emprunt.

 

Texte et photo : Vario Sérant