Port-au-Prince, 21 mai 2023 --- Haïti lutte pour la réduction de la fistule obstétricale. C’est pour cette raison qu’elle célèbre la Journée Internationale pour l’Élimination de la Fistule Obstétricale le 23 mai placée cette année autour du thème « 20 ans après - Des progrès, mais pas assez ! Agir maintenant pour mettre fin à la fistule d’ici 2030 », explique le Directeur de la Direction de la Santé Familiale (DSF) au Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP), Dr Reynold Grand’Pierre.
C’est quoi la fistule obstétricale ?
« La fistule obstétricale, c’est une complication qui arrive chez les femmes. Elle survient souvent après un accouchement ou parfois après une chirurgie qui occasionne une communication entre le vagin et la vessie (située en avant du vagin) ou le rectum, qui se trouve à l’endroit où le sel passe pour son élimination. Si c’est avec la vessie, c’est l’urine qui va s’écouler par le vagin. Si c’est avec le rectum, ce sont les selles qui vont passer par le vagin. C’est une condition très humiliante qui contribue à porter la victime à se refermer, se sentant non sociable. Elle est rejetée par sa famille, par son partenaire. Conséquence : elle ne cherche pas de solution (elle ne va pas à l’hôpital). Elle se condamne dans cette situation », indique Dr Grand’Pierre.
La situation dans le monde
Chaque jour, environ 800 femmes meurent des complications liées à la grossesse ou à l’accouchement dans le monde entier. Pour une femme qui meurt de causes liées à la maternité, on estime que 20 au moins sont atteintes de morbidité maternelle, dont l’une des formes les plus sévères est la fistule obstétricale.
Selon les évaluations généralement acceptées, de 2 à 3,5 millions de femmes souffrent d’une fistule obstétricale dans le monde en développement, et de 50 000 à 100 000 nouveaux cas surviennent chaque année. Pratiquement disparue du monde développé, la fistule obstétricale continue de frapper les plus pauvres d’entre les pauvres: les femmes et filles qui vivent dans certaines des régions du monde les plus dépourvues de ressources.
6 nouveaux cas pour 1 000 femmes en âge de procréer
En Haïti, l’incidence de la fistule obstétricale est estimée à 6 nouveaux cas pour 1 000 femmes en âge de procréer, selon l’EMMUS VI, soit près de 18 985 cas de fistule obstétricale en 2023. Plus de la moitié des femmes vivant avec la fistule obstétricale (52 %) en Haïti serait âgée de moins de 21 ans, au moment d’avoir eu leur première naissance.
« Nous profitons de cette journée pour attirer l’attention sur l’existence de la fistule obstétricale, préciser ce que c’est et dire ce que nous faisons pour la prévenir et contribuer à son éradication », souligne le Responsable de la DSF.
La prise en charge de la fistule obstétricale n’est pas disponible à tous les niveaux. Le plus souvent, c’est au niveau des hôpitaux universitaires qui ne sont pas nombreux.
Prévenir la fistule
« Pour prévenir la fistule, Il faut avoir des accouchements qui se font dans de bonnes conditions, c’est-à-dire avec un personnel formé et dans des institutions appropriées », précise Dr Grand’Pierre.
« Si le personnel est formé, il est au courant de toutes les précautions à prendre au moment de l’accouchement pour empêcher cet éclatement au niveau du vagin, qui va occasionner ce trou au niveau de la membrane, soit avec la vessie, soit avec le rectum », ajoute le Directeur de la DSF. Dès que nous arrivons à augmenter le nombre d’accouchements par du personnel qualifié dans les institutions préposées à cet effet, nous allons réduire les risques de complications.
La prise en charge
Pendant que nous prévenons la fistule, nous devons apporter des réponses aux gens qui en souffrent. La prise en charge, c’est une opération délicate qui demande un personnel entraîné, des équipements et des institutions appropriées. « Le Ministère de la Santé Publique et de la Population travaille pour que telles institutions soient disponibles de plus en plus dans le pays afin de répondre à cette situation et soulager les gens », fait savoir Dr Grand’Pierre. Il faut ensuite faire reprendre à la personne qui souffrait de la fistule sa confiance, sa dignité et la réinsérer dans la société.
Faire route ensemble
Le MSPP travaille dans ce domaine avec un ensemble de partenaires locaux et internationaux. Parmi ces partenaires figure l’Agence des Nations Unies pour la population qui fait de ce thème une priorité dans le cadre de son mandat. « C’est avec l’UNFPA que nous avions fait beaucoup d’études pour avoir une idée de la situation », relève le Directeur de la DSF.
L’UNFPA et d'autres partenaires locaux, comme la Société Haïtienne d’Obstétrique et de Gynécologie (SHOG), qui regroupe les différents gynécologues du pays, développe une expertise de l’opération de la fistule obstétricale pour entraîner la guérison des gens. Avec ces partenaires, nous avons fourni des efforts. Mais le travail reste immense. « Faisons la route ensemble pour arriver à l’élimination de la fistule obstétricale », ajoute Dr Grand’Pierre. Pour quelqu’un qui souffre de la fistule, sa vie n’est pas terminée, des corrections sont possibles.
Engagement pour mettre fin à la fistule
En 2018, les États membres de l'ONU ont adopté une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies, appelant à mettre fin à la fistule d'ici 2030. Les États membres de l'ONU appellent les États à investir davantage dans le renforcement des systèmes de santé et à redoubler d'efforts pour atteindre l'objectif convenu au niveau international, à travers la disponibilité des services d’offre de la planification familiale, l'amélioration de la santé maternelle tant au niveau de l’accès qu’au niveau de la qualité des soins obstétricaux et néonataux d’urgence, et le traitement chirurgical et psychosocial de la fistule obstétricale.
Mettre fin à la fistule d'ici 2030 exige un engagement politique, des ressources et des investissements supplémentaires, ainsi qu'une collaboration renforcée entre les gouvernements, les communautés, les partenaires de développement et la société civile.
L'UNFPA dirige la Campagne mondiale pour éliminer les fistules en collaboration avec près de 100 agences partenaires au niveau mondial, national et communautaire. La campagne est effective dans plus de 55 pays d'Afrique, d'Asie, de la région arabe, d'Amérique latine et des Caraïbes. Cette campagne se concentre sur quatre « piliers » clés : la prévention, le traitement, la réintégration sociale, la réadaptation et le plaidoyer.
Texte : Vario Sérant
Tournage : Michaël Isaac Junior Ambroise